jeudi 30 janvier | 20h00 Cinéma & Débats
entrée libre
« Human Flow » d’Ai Weiwei
(Allemagne, 2018, 2h20),
Tourné sur une année dans 23 pays, ce documentaire s’attache à suivre plusieurs trajectoires d’hommes et de femmes, de l’Afghanistan au Bangladesh, de la France à la Grèce, de l’Allemagne à l’Irak, d’Israël à l’Italie, du Kenya au Mexique en passant par la Turquie. Human Flow recueille les témoignages de migrants qui racontent leur quête désespérée de justice et de sécurité, les camps de réfugiés surpeuplés, leurs périples en mer à très haut risque, les frontières hérissées de barbelés, leur sentiment de détresse et de désenchantement… Mais qui affirment aussi leur courage, leur résilience et leur volonté d’intégration. Ils évoquent la vie qu’ils ont dû abandonner et l’incertitude absolue d’un avenir meilleur.
Human Flow interroge sur l’une des questions essentielles à notre époque : la société mondialisée parviendra-t-elle à s’extraire de la peur, de l’isolement et du repli sur soi ? Saura-t-elle se tourner vers l’ouverture aux autres, la liberté et le respect des droits de l’homme ?
Aï WeîWeï commence ses études de cinéma en Chine. il part ensuite pour les Etats-Unis, à New-York. « Je suis resté une dizaine d’années, douze ans à peu près à New York, là aussi c’est les arts que j’ai étudiés. Puis j’ai étudié l’architecture mais je ne suis pas allé jusqu’au bout». Mais c’est surtout « en faisant que j’ai appris » ajoute-t-il.
Si Aï Weîweï a parfois participé à certains projets en collaboration avec l’Etat chinois tels que « Nid d’oiseau », ce stade construit à Pékin à l’occasion des Jeux Olympiques de 2008, il n’a néanmoins « jamais été un artiste officiel ». « Quand je suis rentré en Chine dans les années 90. J’étais indépendant, artiste indépendant. (…) Par la suite, après 2008, mes activités sur les réseaux se sont développées fortement, et, avec cela, mes critiques sur la société chinoise. Cela m’a valu bien sûr beaucoup d’attention, et c’est ainsi que j’ai disparu… »
Pendant 81 jours, Aï Weiwei disparaît, kidnappé puis enfermé par la police chinoise. «Personne ne savait où j’étais. Moi-même je ne le savais pas. C’est une expérience très singulière que d’être enfermé. Vous entrez ainsi dans un environnement coupé de tout. C’est bien sûr un déclin pour l’individu en termes de pensée. »
La violence de cette expérience se ressentira ensuite dans son travail. « J’ai essayé de créer ensuite des œuvres liées à cette expérience. Parce que j’avais besoin de me soigner. Et l’art peut me proposer une manière de panser mes plaies ». Ce passage l’amènera également à nourrir une réflexion sur la nature du pouvoir : « J’ai compris ce que craignait le plus un pouvoir totalitaire : la parole ouverte et les sentiments les plus fondamentaux qu’éprouvent les individus, (…) en ce qu’ils pensent de vrai, de faux, d’équitable, de juste… Et ces sentiments ne sont pas autorisés à être exprimés »…
Ai Weiwei évoque ensuite le souvenir de son père, le poète et dissident Ai Qing. « Mon père était un poète qui aimait son pays». Comme lui, son père a quitté son pays lorsqu’il était jeune homme, « il s’est rendu en France, à Paris. (…) Dans les années 20-30, (…) beaucoup de chinois en quête de connaissance, en quête d’un idéal pour la Chine, se sont rendus en France, à Paris. Car Paris est un symbole de la liberté et de l’égalité ».
De retour en Chine, le poète est arrêté. « Il est resté enfermé de très longues années. (…) La prison, alors, celle du Kuomintang, le parti au pouvoir à l’époque, était bien moins rude que les conditions d’emprisonnement aujourd’hui, car il avait la possibilité d’écrire et de publier ses écrits. ». Après sa libération, le père d’Aï Weîweï deviendra très rapidement un artiste « très connu en Chine et (…) très influent sur de nombreuses générations»…